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ECHOS DU TERRAIN

La Facilité Africaine de Soutien Juridique : fournir les capacités juridiques requises pour le développement durable de l'Afrique

Olivier Pognon, Directeur, ALSF

Introduction

La Facilité africaine de soutien juridique (« ALSF» ou la «Facilité») a présenté sa Stratégie à moyen terme 2023-2027 («SMT») ainsi qu'une nouvelle identité visuelle, le 31 janvier 2023. Ce lancement arrive à point nommé à plusieurs titres :

  • Après 14 ans d'existence, cette nouvelle SMT marque une évolution de l'ALSF et souligne la maturité d'une institution qui a réussi à gagner la confiance des gouvernements africains ;
  • Dans cette nouvelle phase de son parcours, l'ALSF se donne pour ambition forte de promouvoir une capacité juridique adaptée et autonome en Afrique afin de favoriser un développement économique durable.

En guise de corollaire, la nouvelle identité visuelle de l'ALSF reflète la collaboration entre l'ALSF et ses pays membres et autres partenaires, et incarne le dynamisme et la confiance nécessaires pour réussir ensemble.

Origines de l'ALSF

L'ALSF a été créée en 2008 pour aider les pays africains à anticiper et le cas échéant se défendre efficacement dans le cadre de litiges avec des créanciers, ainsi qu'à négocier efficacement les transactions commerciales complexes et des accords d'investissement[1] auxquels ils prennent part. Les crises de la dette des années 1980 et 1990 ont mis en évidence le manque de capacités juridiques et techniques, qui s'est traduit par des contrats mal négociés et des litiges commerciaux ruineux entre Etats et créanciers privés. Ainsi, la création de l'ALSF s'est avérée opportune et a été dument acclamée.

La demande initiale pour une telle Facilité juridique et technique avait été faite par les ministres des Finances africains en 2003[2] dans le but de soutenir les pays pauvres très endettés (PPTE) en Afrique en les aidant à résoudre les problèmes de litiges avec les créanciers. À l'époque, de nombreux gouvernements africains perdaient des millions de dollars du fait de créanciers intransigeants et sans scrupules s’étant délibérément soustraits de l'initiative PPTE[3]. En 2007, la Banque africaine de développement («BAD») et la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique («CEA») ont convoqué une Table Ronde africaine («Big Table») afin de jeter les bases de la création d'une équipe d'intervention rapide pour aider les gouvernements africains impliqués dans des litiges relatifs à la dette souveraine et dans la négociation d'accords commerciaux complexes. Ces objectifs étaient également conformes à la Stratégie en matière de droit pour le développement de la BAD qui prévoyait une facilité juridique pour fournir ou organiser des services juridiques au profit de ses Pays membres régionaux (PMR) et pour développer des capacités juridiques adéquates au sein des gouvernements. La BAD a donc encouragé la création de l'ALSF en tant qu'organisation internationale autonome en 2008.

Réalisations de la première phase de l'ALSF

La première phase de l'ALSF, c'est-à-dire la période de 2008 à 2022, a été prolongée par le Conseil de gouvernance de l'institution en 2021, pour quatorze années supplémentaires (la deuxième phase) compte tenu des réalisations notables de la Facilité et sur vive recommandation des PMR. 

Depuis le début effectif de ses opérations en 2010, la Facilité a contribué à améliorer les résultats en matière de développement : elle a notamment approuvé un total de 120 millions de dollars pour plus de 300 projets dans 50 pays africains. L'ALSF a facilité la mobilisation de conseillers juridiques et techniques pour soutenir les états fragiles et en transition impliqués dans des litiges avec des créanciers notamment privés, et dans la restructuration de leur dette (par exemple, en République démocratique du Congo, Guinée Bissau, Somalie, Soudan et Gambie). Des services juridiques et techniques ont également été fournis pour la négociation de nombreux contrats et transactions concernant les ressources naturelles et les produits d'extraction, l'énergie, les partenariats public-privé (PPP) d'infrastructure, la dette souveraine et d'autres transactions commerciales complexes. Dans l'ensemble, on estime que les interventions de l'ALSF ont contribué à des économies et à des recettes pour les gouvernements d'environ 15 milliards de dollars américains ; à des investissements du secteur privé estimés à environ 20 milliards de dollars américains; à plus de 8 000 mégawatts d'énergie renouvelable et non renouvelable ; à la formation de plus de 12500 professionnels du droit et fonctionnaires africains ; et à la création de 45 produits de la connaissance [4].

Parmi les principaux projets ou transactions soutenus avec succès par l'ALSF, on peut citer : le Projet d'énergie hydroélectrique de Nachtigal au Cameroun, le Projet de parc éolien de Taiba N'Diaye au Sénégal, le Projet d'énergie de Corbetti en Éthiopie, le Projet d'aéroport international de Bugesera au Rwanda, la gestion d’un arbitrage minier à fort enjeu en Guinée, le Projet de caoutchouc naturel de Firestone au Liberia, la renégociation d’une concession minière au Niger, la négociation d’un appel d'offres dans le domaine des hydrocarbures en Gambie, un Projet de production d'électricité à partir de méthane houiller au Botswana, un Projet portuaire en Somalie, un Projet de production d'électricité dans la région Ouest de la Sierra Leone, la révision d’accords miniers au Lesotho, le Projet hydroélectrique Sahofika à Madagascar, et un Projet de panneaux solaires photovoltaïques flottants aux Seychelles - le premier en Afrique et l'un des seuls au monde !

Le travail de l'ALSF contribue à façonner des stratégies et des politiques continentales par l'application et la mise en œuvre de normes internationales et de meilleures pratiques dans divers domaines. Pour ne citer que quelques exemples :

  • le plaidoyer de l'ALSF contre les fonds vautours et autres entités similaires et le renforcement des capacités des pays souverains vulnérables, qui contribue à modifier le régime juridique international de ce type de litiges et à réduire les cas de poursuites judiciaires ;
  • l'Atlas de la législation minière africaine de l'ALSF (www.a-mla.org), qui souscrit à l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) et donne des orientations claires pour la réglementation des transactions intervenant dans le secteur minier ;
  • l'ALSF Academy, une plateforme numérique d'apprentissage et de certification (https://alsf.academy) lancée avant la pandémie du COVID-19 est une source précieuse de diffusion des connaissances juridiques et de formation pour de nombreux professionnels du droit et responsables gouvernementaux à travers le continent ;
  • les produits de la connaissance de l'ALSF dans les secteurs de l'énergie, de l'infrastructure et de la dette souveraine, qui fournissent des analyses et des conseils d’expert pour appréhender les transactions complexes.
  • l'ALSF met en œuvre son expertise pour soutenir les politiques et stratégies continentales visant à freiner le changement climatique et à promouvoir un développement à faible émission de carbone. Par exemple, en collaborant avec divers partenaires, la Facilité contribue à l'élaboration d'une «stratégie africaine des minéraux verts», qui inclut l'hydrogène vert et d'autres technologies d'énergies renouvelables.

Accélérer les progrès pour un plus grand impact

La nouvelle Stratégie à moyen terme 2023 - 2027 (la «SMT») réaffirme l'engagement de l'ALSF à jouer un rôle significatif dans le développement durable du continent. Elle est le fruit de consultations approfondies avec les différentes parties prenantes de la Facilité et elle s'appuie sur les enseignements tirés de la mise en œuvre des plans stratégiques précédents. Il prend également en considération les développements mondiaux actuels et anticipés afin de s'assurer que les interventions de l'ALSF continuent à produire des résultats utiles et durables pour les pays africains.

Dans le cadre de cette SMT, les opérations de l'ALSF sont ancrées sur trois Piliers stratégiques : 1 - Services de conseil, 2 - Renforcement des capacités, gestion des connaissances et appui institutionnel, et 3 - Gestion axée sur les résultats. Alors que les deux premiers Piliers font référence à la consolidation des diverses interventions de l'ALSF et reflètent la maturité de l'institution, le troisième Pilier est essentiel pour assurer la stabilité requise par la Facilité et pour permettre d’accélérer l’obtention de résultats probants. Ainsi, l'évaluation et l'amélioration continues prescrites par ce troisième Pilier se traduiront par des résultats plus mesurables pour l'ALSF et ses bénéficiaires. Il est également entendu que la Facilité est la mieux placée pour tirer les meilleurs enseignements de l'assistance apportée aux gouvernements visant à soutenir la formation et, essentiellement, l'autonomisation des professionnels du droit africains et à renforcer les institutions gouvernementales, grâce à des outils de transfert de connaissances.

Les domaines d'intervention de l'ALSF sont calqués sur les principaux secteurs et activités économiques du continent - énergie, ressources naturelles et matières extractives, infrastructures et partenariats public-privé (PPP), et finance souveraine. Toutefois, des questions de développement cruciales telles que l'environnement, les considérations environnementales et sociales (ESG), la préservation du climat, le genre, la jeunesse, les flux financiers illicites (FFI) et la numérisation notamment, détermineront les impacts et le caractère durable des interventions de l'ALSF. En conséquence, l'ALSF veillera à ce que, depuis le stade de l’instruction des projets jusqu'à la clôture, ces questions transversales soient identifiées et intégrées dans la mise en œuvre des projets. Les interventions de l'ALSF contribueront ainsi de manière significative à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations Unies par les pays membres régionaux, et aussi aux aspirations de l'Agenda 2063 de l'Union africaine.

Les demandes de services de l'ALSF augmentant rapidement d'environ 35% par an, la SMT prévoit une expansion des opérations de l'ALSF pour répondre de manière adéquate aux besoins de ses pays membres, en particulier les états en transition qui ont besoin d’un soutien sur mesure. En plus d'assurer l'équité, la réponse à ces demandes engendrera des externalités positives et favorisera le progrès régional.

Une nouvelle identité moderne et dynamique

Pour coïncider avec le début de sa deuxième phase, l'ALSF rafraîchit également son identité visuelle afin de refléter plus fortement son évolution et les liens qui la lient à ses membres. Notre nouveau logo projette le continent qu'il s’efforce de soutenir de manière contemporaine tout en mettant l'accent sur la collaboration et le partenariat avec les PMR et les partenaires pour atteindre des objectifs communs. Les nouvelles couleurs de l'ALSF symbolisent la confiance, la rigueur et le dynamisme qui caractérisent l'équipe et l'état d’esprit de l'ALSF.

Plus loin, plus vite, ensemble

Comme l'illustre bien le nouveau logo, un thème central de la SMT est le partenariat. L'assistance juridique fournie par l'ALSF est plus efficace lorsqu'elle est combinée avec d'autres soutiens académiques, techniques et financiers. Au fil des ans, en travaillant aux côtés de diverses institutions et avec le soutien vital de la BAD, l'ALSF s'est imposée comme une institution crédible et une maison d'experts juridiques et techniques. Dans la période à venir, nous poursuivrons résolument l'objectif initial de faire de l'ALSF LE moteur d'une capacité juridique durable sur le continent. Les leçons tirées des collaborations antérieures et actuelles guideront nos futurs partenariats stratégiques et serviront de leviers pour accroitre la visibilité, la pertinence et l'impact de nos services.


[1] Voir : Accord portant création de la Facilité africaine de soutien juridique (22 décembre 2008).

[2] Voir : Communiqué de presse de la CEA n° 08/2003 - Les Ministres africains se prononcent sur l'aide, le commerce, la dette, le FMI, le VIH/SIDA (2 juin 2003).

[3] https://www.afdb.org/en/topics-and-sectors/initiatives-partnerships/african-legal-support-facility/vulture-funds-in-the-sovereign-debt-context.

[4] Statistiques de l'ALSF.